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  • Correspondance de Robinson Crusoé
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  • J'allai me promener sur l'esplanade par un beau temps à faire chanter des oiseaux (malheureusement il n'y avait pas d'oiseau). Je trouvai un coin à l'ombre où je pus rédiger cette lettre : À qui de droit, Cette lettre échoit. À qui de droit, Me répondre de vive voix. À qui de droit, Ma liberté de penser, Savoir aimer, À qui de droit, Châtelet-les-Halles ! À qui de droit, Abracadabra ! Cette lettre cryptique se donnait un but précis : aller droit au destinataire, quel qu'il (elle) soit. Cher ami et bienfaiteur inconnu, À qui de droit, Tout ça dans une canette de bière scellée et étanchéifiée.
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  • J'allai me promener sur l'esplanade par un beau temps à faire chanter des oiseaux (malheureusement il n'y avait pas d'oiseau). Je trouvai un coin à l'ombre où je pus rédiger cette lettre : À qui de droit, Cette lettre échoit. À qui de droit, Me répondre de vive voix. À qui de droit, Ma liberté de penser, Savoir aimer, À qui de droit, Châtelet-les-Halles ! À qui de droit, Abracadabra ! Cette lettre cryptique se donnait un but précis : aller droit au destinataire, quel qu'il (elle) soit. Je jetai à la mer la belle lettre, scellée hermétiquement dans une bouteille de Châtelet-les-Halles étiquetée le 9 janvier 1873, le 2 janvier 2008, le 6 juin 1870, le 30 février -630 au petit matin, la regardant pendant 1 heure dériver vers l'horizon des bouteilles perdues. Je n'en attendais guère en retour, lorsqu'un jour, pourtant, j'en repêchai une le 1 février 2008, au point où j'avais lancé mon appel du 2 janvier . Dans cette bouteille était roulée une lettre en vieux papier : Cher ami et bienfaiteur inconnu, Je n'eusse su exprimer dans une juste proportion le débordement de bonheur qui fit suite à la bonne réception de votre lettre datée du 18 septembre 1659. Tout ceci occulta à mon esprit le devoir de me présenter à vous plus tôt ainsi que les règles de bienséance en convenaient : Je suis Robinson Crusoé, mais tout le monde m'appelle Robinson Crusoé. Je m'échouai sur cette île déserte le 30 septembre 1659, soit il y a 2 jours, à l'instant où je couchai ces mots. J'appartenais à un corps expéditionnaire en direction de la Nouvelle Guinée parti pour faire de la traite de nègre, avant que la Nature ne se déchaînât et n'en convînt autrement. Il me manqua un lieu pour dormir, du canevas pour me confectionner une tente et peut-être un hamac, des outils de travail, comme hache, pelle, bêche, et des armes et des munitions pour me protéger. Mes camarades de bord sont sans doute tous morts à l'heure qu'il est. Je ne me fis aucune illusion sur le fait d'être le seul survivant de l'équipage. Dans cet état de délaissement et de livraison dans les mains de moi-même (prisonnier de ma propre chair faible), je n'eus jamais osé imaginer regoûter au contact humain en si peu de temps. Cette découverte me revigora à fond de cale, et me gonfla d'espoir tel le vent qui j'espérais soufflerait dans les voiles de la liberté en poussant cette bouteille dans vos mains. Si vous pûtes me dire avec qui j'eus l'honneur de correspondre et ainsi prolonger une correspondance vitale pour ma santé mentale, j'en eusse été bien évidemment le plus gratifié et le plus redevable des malheureux sur cette Terre. Robinson Crusoé ? Le célèbre marin popularisé par les biographies de Daniel Defoé ? Le personnage central de la Correspondance de Robinson Crusoé ? Je ne pouvais être crédule. Et puis l'usage de ce mot : "occulte"... Ce mot existe-t-il encore ? À qui croit-il s'adresser ? Aux Frères du Mal Abbath Doom Occulta et Demonaz Doom Occulta du groupe de holocaust metal Immortal ? À qui de droit, Attends, tu me fais parvenir ta paperasse avec 2 semaines de délai, ce qui fait 1 mois de délai au total pour répondre à ma lettre, et tu veux me faire croire que tu viens de 4 siècles en arrière ? Tu me prends pour un con ? Tout ça dans une canette de bière scellée et étanchéifiée. Il faut savoir se faire respecter de ces tamagotchis. Ils deviennent rapidement impertinents et insubordinés, à l'instar du chihuahua. Prenez le temps de recadrer le rapport humain, surtout qu'ici nous avons clairement le levier de la négociation — c'est lui le nolife. De toute façon Robinson Crusoé, s'il est ce qu'il prétend, est un has been. Il m'apparaît d'ailleurs fort étonnant qu'il n'ait toujours pas participé à la Ferme des Ex-Célébrités. Cher ami et bienfaiteur et garde-fou inconnu, Je désespérai de ne point pouvoir reprendre de vos nouvelles, qui étaient comme de l'eau douce à mes oreilles assoiffées de chaleur humaine. Votre voix, même couchée sur le papier, était pour moi une main tendue de l'Humanité. Pour répondre aussi adéquatement que mes faibles capacités purent m'y disposer, je pus vous jurer avec la plus grande probité que je suis bien Robinson Crusoé. Je suis exploitant d'une plantation de cannes à sucre au Brésil près du port de San Salvador. Je suis né anglais en l'année 1632 dans la ville d'York, troisième garçon d'une bonne famille du milieu bourgeois. Mes parents habitent à Yull en Angleterre, où mon père me prédestinait à la profession de légiste. Je n'eus malheureusement que la sagesse de plume pour infléchir votre jugement, mais je vous conjure de me croire sur parole, Monseigneur, bien que l'ombre de votre méfiance parfois m'obscurcisse à moi-même et alimente cette voix folle qui me susure que je ne suis peut-être même pas moi-même à en perdre la tête. C'est dans cet état de remise en cause de toutes choses que je me permis de vous faire part des récents développements sur l'île. Je pus soutenir jusque là une vie de reclus accompagné d'un seul chien et de deux chats, grâce aux provisions laborieusement glanées de l'épave de mon ancien vaisseau. Après m'être aménagé une petite place forte en montant une palissade avec des pièces de bois empruntées de l'épave, je cherchai assidûment un lieu pour mon établissement réunissant au moins trois conditions : la proximité du rivage qui me garantisse un minimum de contact avec la civilisation, la présence d'une source d'eau douce, et enfin un abri des intempéries, en particulier des pluies fort redoutables sous ces latitudes. Finalement je repérai une plaine au pied d'une colline dont le front était roide et sans talus. Je m'établis devant un petit enfoncement dans la roche, que j'envisageai comme l'ébauche d'une caverne à creuser, où je pourrai me retirer en cas d'orage. Mon inconvénient majeur était que je n'avais ni pioche pour attaquer le roc, ni pelle pour ramasser les débris, ni brouette pour les chasser en quantité. Voilà, c'était là où j'en étais. Je priai la Providence pour que vous me retourniez la moindre faveur que vous m'accorderiiez de votre plein gré, à savoir celle de me dévoiler ce que vous faites dans le monde de la liberté et des hommes. Je comparai ces informations à la biographie Robinson Crusoé, de Daniel Defoé, aux éditions de l'Érable. Et bien sûr la concordance des données de part et d'autre était frappante. Bon, admettons. Admettons que tu sois le grand, merveilleux Robinson Crusoé. J'attends cependant de voir comment tu vas t'en sortir pour excaver ton cellier sans ces outils in-dis-pen-sa-bles, et je pèse mes syllabes. Mais pour répondre à la question de ce que je fais, eh bien je me lime les ongles en lisant tes lettres. Toutes les choses intéressantes de ce monde font que je me les lime. Et justement, les trucs intéressants ont souvent une fréquence mensuelle, ce qui tombe pile poil en ligne avec notre correspondance. Cher ami et bienfaiteur et garde-fou inconnu, Je parvins finalement à creuser ma caverne, en laquelle j'eus la fantaisie de reconnaître ma cantine personelle. Je me trouvai les outils nécessaires dans une nouvelle visite fructueuse à l'épave, de laquelle je retirai également des suppléments en vivres pas encore gâtés, comme des biscuits, une boîte de cassonade, un muid de fleur de farine et des barils de rhum et d'eau-de-vie. Pour me ménager par rapport à ma vie industrieuse, je me bâtis un régime journalier strict : le matin je buvais du whisky dilué dans de l'eau, accompagné de raisins secs, puis j'allais me promener deux à trois heures, fusil à l'épaule. Je travaillais jusqu'au déjeuner à midi, puis je faisais la sieste, car il faisait excessivement chaud à cette heure. Pour bien me réveiller, je prenais deux ou trois verres d'eau diluée dans du rhum. Je m'attelais à nouveau à la tâche sur ma caverne, un peu beaucoup défoncé, après quoi j'essayai d'aller à la chasse avant le coucher du soleil, mais comme j'étais très diminué par l'ivresse, je me contentais de quelques biscuits. Un nouveau petit coup dans le nez m'envoyait droit vers la gueule de bois du lendemain. Ce qui manqua le plus, c'était de la compagnie : quelqu'un à qui parler et qui me parla. Je découvris une autre partie de l'île, à la végétation sylvaine plus dense. J'y trouvai des citrons-grenades, des poires de poudre et quelques melons. Comme ces derniers ne semblaient pas entrer dans des jeux de mots sur des ustensiles de guerre, j'essayai d'en arômatiser le rhum, et j'appelai la boisson un rhumelon (le rhum au melon, c'est rhumelon bon). Le 17 novembre 1659, au niveau de la côte où je m'échouai, je plantai un poteau où j'entaillai au couteau cinquante marques symbolisant la durée en jours de mon séjour contraint, avec des entailles plus prononcées pour marquer les semaines et les mois. Depuis, j'ai ajouté dix-sept marques.